/ utopies gravitaires

Photo Laurent Ch

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Immersive

 Massif du Mont Blanc / AURA  / Aout 2023

Durée  8 jours 

Pour 7 participant.e.s

Massif du Mont Blanc / 3 jours en vallée +  5 jours en altitude / 7 personnes

4 au 11 aout 2023



Le refuge du Requin est situé à 2500m d'altitude, au dessus de la Mer de Glace, vers l'Aiguille du Plan, l'Aiguille du Tacul et  la Dent du Requin. Adossé aux aiguilles de Chamonix qui représentent un des paysages les plus célèbres des Alpes Françaises.  Avec Valentine Sabatou, Renaud Herbin, Sébastien Cabour, David Picchedda, Lucie Eidenbenz , Léo Suchet, Laurent Chanel. Nous sommes accueillis par Patoue et Hélène, gardiennes du moment au Refuge du Requin et nous y avons rencontrés Fanfan, cristallier célèbre du massif.




Un mot de David Picchedda, guide de haute montagne, sur ce laboratoire >

Les montagnes ne sont pas éternelles, comme de gros ronfleurs elles se soulèvent lentement, et s'effondrent en même temps. Oscillant sur la croûte terrestre elles nous paraissent, à nous humaines, immuables. 

Le temps c'est arrêté pour moi un peu en ce début du mois d'août. Accompagnant une résidence artistique au refuge du Requin, je devenais le garant d'une pratique alpinistique académique dans le chaos glaciaire et rocheux que ce séminaire tentait d'éprouver en s'immergeant en haute montagne. 

Les gardiennes nous guettaient du haut de leur perchoir depuis que la mer de glace s'est retirée et leurs yeux s’écarquillaient à écouter les récits de nos rêves glaciaires et granitiques. Ils ne parlaient ni de sommets, ni de chrono, non plus de cotations encore moins de degré de pente. Mais de matière, de rencontre avec le vide, de perte d'adhérences, d'une corniche où certains partageaient un récit, une crevasse où notre discussion prendrait un peu de profondeur. Léo, notre croquiste se glissait dans ces interstices, ces moments d'attente lorsque le premier de cordée explore la voie, ou lorsque le labyrinthe glaciaire nous oblige aux zigzags entre les entrailles du Géant. Seb preneur de son, captait les craquements, les frottements, les battements des vivants et non vivants qui peuplaient notre petit territoire investi. L'hybridation se construisait, l'imaginaire a cette faculté, et les artistes le pouvoir de réinvestir les mondes. Les chutes de séracs rythmées, le murmure de l'eau de fonte, le fracas des masses rocheuses devenaient plus qu'un écho, mais le langage de la montagne.

 Avec Renaud, le marionnettiste du groupe, je partageais la même manipulation des corps grâce à ces liens, le jeu des verticales, du haut et du bas. 

 Un nouvel artiste s'était glissé à l'improviste dans cette petite troupe, comme par magie. Fanfan, le cristallier, guide et réalisateur de Chamonix venait visiter ces trésors. Chaque soir il pimentait notre soupe chaude de ses récits de piraterie, ses plus belles prises, ses plus grosses peurs. Ainsi nous partagions la même religion, garder confiance tout en sortant de notre zone de confiance, pour immerger nos corps aux éléments. 

L'obscurité gagnait la tablée, il fallait vite sortir pour "une trans panoramique d'altitude". C'était la tête de gondole de Laurent, et les effets seront garantis. Les étoiles s'illuminent, et les frontales des alpinistes aussi. La grande ourse est entrain de grimper l'arête du Chapeau à Corne alors que deux alpinistes se perdent dans les rappels des drus. Je rejoins péniblement notre éphémère habitation dans l'obscurité, allumer ma frontale ferait s'effondrer cette nouvelle hybridation, alors à pas de velours je déploie mes prouesses de proprioception dans le noir. 

Activer une pratique, un objet, un protocole, tous les prétextes étaient bons pour l’émersion des corps. Rugueuse dans les chaos de bloc, glaciale dans un lac glaciaire, peau à peau pour s'enfoncer dans une pelouse ou se frotter contre un doux poli-glaciaire,  et encore piquante lorsque les yeux fermés nous nous laissions guider à la pointe de nos crampons. La métamorphose a opéré. Et pour moi une nouvelle rencontre se déploie, une montagne plus terrestre, au sens de l'écosystème de Gaia. On peut habiter un glacier, un éboulis, une vire, un habitat momentané et précaire car là haut nous n'y sommes pas les bienvenus. Pour cela nous pouvons investir d'autres pratiques que celles des performances des pionniers, des premières et des records. Ces artistes m'ont aidé à déployer ce que je ressens depuis bien longtemps. La montagne offre bien plus que ce que la modernité nous vend depuis deux siècles.






Présentations de cette Horde de la contrepente 



Valentine Sabatou

A travers mes études dans les domaines de la botanique, de l’architecture du paysage et de l’aménagement du territoire, je me suis intéressée à la manière dont les humains habitent les territoires en relation avec d’autres êtres vivants. Pour cela, j'ai exploré notamment l’étude du paysage, des strates qui le composent et de son écologie. En parallèle, je pratique la danse contemporaine depuis 4 ans à travers laquelle j’aborde le rapport du corps à l’espace, aux conditions naturelles physiques et à ses propres limites. Ces conditions physiques me permettent de me rapprocher d’une nouvelle manière de la question de l’habiter d’une manière corporelle et sensible. Dans ce projet Montagne Métamorphe, je souhaite aborder cette expérience immersive par ces deux prismes en espérant qu’ils puissent s’alimenter et faire émerger de nouvelles approches. 


Renaud Herbin

Marionnettiste, formé à l’École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette de Charleville-Mézières. Renaud Herbin a toujours apprécié les collaborations qui ont su déplacer sa pratique de marionnettiste. Il met en scène de nombreuses pièces visuelles et sonores, dont il est parfois l’interprète, le plus souvent à partir d’œuvres poétiques ou littéraires. Renaud Herbin poursuit son chemin artistique au sein de sa nouvelle compagnie L’étendue, implantée à Strasbourg, après avoir dirigé le TJP Centre dramatique national de Strasbourg - Grand Est jusqu’en décembre 2022. Il développe la relation corps-objet-image, décloisonnant les pratiques de la matière et de la marionnette par un lien avec le champ chorégraphique et les arts visuels. www.renaudherbin.com


Léo Suchel

Je suis dessinateur, animateur et réalisateur de films d’animation expérimentaux. Mon travail s’articule essentiellement autour du dessin, du corps et du mouvement, de leurs corrélations et de leurs incompatibilités. Je m’intéresse aux rapports entre distance et proximité, entre maisons pleines à craquer et grands espaces vides, entre affirmation et disparition. 


Lucie Eidenbenz

Artiste-chorégraphe, performeuse et danseuse, Lucie Eidenbenz s’est formée au centre chorégraphique national de Montpellier, parallèlement à des études en sciences sociales. En 2016 elle obtient un Master en Arts et Politique dirigé par Bruno Latour à Sciences Po Paris (SPEAP). Tour à tour interprète et chorégraphe, son travail protéiforme s’articule autour d’enquêtes de terrain, de spectacles scéniques, de performances in situ et participatives, de pièces sonores et d’installations. En 2015, elle reçoit le 3e prix au Concours Reconnaissance Danse avec sa pièce TSCHÄGG. Elle initie le triptyque Comment habiter le monde en 2019, avec la performance Faune, faune, faune présentée dans le cadre de l’événement 1000 écologies, et qui sera repris au CND à Paris l’an prochain. Le triptyque comporte également le podcast Entrelacs, et le film Why this now?. En 2022, elle était également assistante pédagogique et de recherche à la Manufacture, Haute École des Arts de la Scène. www.lucieeidenbenz.com


Sébastien Cabour

Sébastien Cabour est basé dans le Nord de la France. Diplômé de l’École nationale supérieure Louis-Lumière puis du Fresnoy, Studio national des arts contemporains, il partage ses activités entre création artistique et ingénierie sonore. Il réalise des installations ou des pièces radiophoniques, souvent en référence à des lieux, une route, un parcours ; des mixages qui réinterprètent des récits.

Son travail s’est articulé en duo avec Pauline Delwaulle autour de lieux emblématiques et des relations entre l’homme et la nature : face au mont Blanc, sur la limite entre terre et mer, quelles lignes faire apparaitre ? Arpenter l’espace pour y faire des “prélèvements”, enregistrements, mesures et épuisements cartographiques. Ses derniers travaux utilisaient le GPS, à mi-chemin entre la carte et la trace, point de jonction entre la marche et le dessin.




Premières traces photographiques . L’ensemble des notes, traces, créations, images, archives sera finalisé en octobre au plus tard……