/ utopies gravitaires

Photo laurent chanel

Phrase en néon installée en hauteur

Lettres en néon cyclamen - support métal - électricité

La phrase en néon to fall is to understand the universe sera installée dans des lieux emblématiques urbains ou ruraux. La phrase est à l’origine le titre d’un article du scientifique Marjin Van Camhout à propos de la redécouverte de la gravité par Einstein.

La traduction de ce texte à aussi été imprimée sur un rouleau de papier mis en mouvement continu.

Musée de la mine / Nuit des musées / Mai 2019

Anis gras / Arceuil /Juin 2016

Processus cirque / Académie Fratellini / Saint Denis / Juin 2016

/ phrase monumentale / in situ / en devenir

 traduction du texte to fall is to understand the universe

Isaac Newton ne savait pas ce qu’est vraiment la gravité… Certes, il pouvait calculer comment les masses s’attirent les unes les autres (plus elles sont lourdes, et plus elles s’attirent) ; et la formule mathématique par laquelle il a exprimé cette loi, voici trois cents ans, a fait de lui l’un des premiers physiciens, l’un des plus grands. Mais il ne pouvait pas dire grand-chose sur ce qu’est réellement la gravité : « Je n’en ai aucune idée, je ne présume de rien. Les hypothèses n’ont pas d’importance !  » Cela lui suffisait que la gravité puisse être exprimée par une formule.  

Tout de même, il reste une question fondamentale : la gravité, c’est quoi ? Dans les faits, la gravité est la seule force dont nous soyons conscients en permanence. La physique moderne nous dit qu’il existe quatre forces dans l’univers : une force en lien avec l’électricité et le magnétisme ; deux forces qui contrôlent les atomes ; et la gravité, qui tient des planètes entières entre ses mains.

Étonnamment, la gravité est la force la plus faible que nous connaissions : si une pierre est lâchée, elle tombe de plus en plus vite ; mais lorsqu’elle touche le sol, cette force est immédiatement dispersée ! Les forces électromagnétiques l’arrêtent brusquement, compensant facilement le poids qui pousse la pierre dans le sol — et la pierre s’immobilise.

Le jeu des forces qui s’exercent sur la pierre immobile, voici ce que nous associons habituellement à la gravité. Nous sentons comment nous sommes pressés dans le fauteuil où nous sommes assis ; nous sentonsles sacs de courses qui tirent sur nos bras. Et nous savons que c’est la Terre qui crée cette traction, la Terre tout entière ! Lorsque nous sautons, elle  nous tire immédiatement en arrière.

La puissance de l’attraction terrestre ne dépend que d’une chose : la masse, exprimée en kilogrammes. Des kilogrammes de quoi, cela n’a pas d’importance : un kilo de plumes est tiré aussi fort qu’un kilo de plomb ; ils pèsent le même poids et exercent la même pression sur la balance : un newton de pression, pour les physiciens.

Donc, il y a traction. Mais comment cela fonctionne ? Il n’y a pas de corde tendue entre la Lune et la Terre. Et pourtant, la Terre attire son satellite de manière à ce qu’il reste dans son orbite. Il n’y a pas de puissants élastiques pour nous appuyer dans notre fauteuil, pas de cordes solides qui ramènent à terre celui qui saute. Et pourtant, nous le percevons ainsi. Finalement, qu’est-ce que l’attraction ?


La science n’a pas trouvé de réponse à cette question avant le début du xxe siècle. Elle vint d’un employé de vingt-huit ans qui travaillait à l’Office des brevets de Berne nommé Albert Einstein. Il a trouvé, simplement en y pensant, ce qu’est réellement la gravité. Sa réponse est cependant difficile à appréhender. À la suite d’une quête mathématique qui s’est étendue de 1907 à 1915, Einstein a conclu que la gravité est « ce que nous ressentons de la courbure de l’espace-temps qui constitue l’univers ».

Tout a commencé par une chute ! Einstein a imaginé la théorie de la relativité en 1905 : celle-ci décrit comment l’espace et le temps ne suivent qu’une loi, qui veut que la vitesse de la lumière soit la même pour tous les observateurs, qu’ils courent aussi vite que possible ou bien qu’ils restent immobiles… Einstein a calculé que dans ce cas, les mesures en mouvement sont plus courtes que celles qui restent immobiles ; et que les horloges en mouvement avancent plus lentement que celles qui restent immobiles.


En 1907, la théorie de la relativité commençait à être connue, de sorte que Einstein a été autorisé à rédiger un article à ce sujet pour la conférence annuelle de la Société allemande de physique. Mais il n’était pas satisfait : sa théorie s’appliquait seulement aux observateurs dont la vitesse était constante, et chacun d’eux aurait pu soutenir qu’il restait immobile et que c’était l’environnement qui se déplaçait autour d’eux alors que dans la physique quotidienne mécanique, branche de la physique, si la voiture accélère, notre dos est plaqué contre le siège .

Plongé dans ses pensées, Einstein s’est rendu à son travail à l’Office des brevets et s’est assis à son bureau ; il a longuement réfléchi, tout en traitant son travail de manière automatique. Sa théorie de la relativité pouvait-elle aussi s’appliquer au mouvement d’accélération ?

Un matin de novembre 1907, il a saisi quelque chose d’une grande simplicité : celui qui chute vit l’expérience de l’absence de gravité. Un tel observateur pourrait donc soutenir qu’il est inerte, qu’il flotte, comme les observateurs dans la théorie de 1905 ; la même logique devrait s’appliquer aux observateurs en accélération… À la condition que la théorie élargie ait aussi quelque chose à dire sur la gravité ! Einstein a nommé cette pensée « l’intuition la plus heureuse de sa vie » !


Le célèbre physicien alla plus loin : si un homme en chute expérimente l’absence de gravité, l’accélération peut-elle être vécue pareillement à la gravité ?  Il a imaginé une boîte, placée quelque part sur Terre. Dans la boîte, il y a un homme qui éprouve la gravité. S’il laisse tomber ses clés, elles tombent, parce qu’il y a la force de gravité.

Seconde expérience de pensée : maintenant, la boîte flotte dans le vide sidéral, loin de toute planète. À son sommet, il y a une corde, qui est tirée, provoquant une montée rapide de celle-ci. L’homme, dans la boîte, sent une force en direction du bas, mais ne distingue pas cette force de la gravité. S’il lâche de nouveau ses clés, elles tombent au sol, de manière identique, avec un mouvement qui va s’accélérant.

Selon Einstein, les deux situations sont indiscernables : elles mettent également en jeu gravité et accélération. La masse tirée par la gravité est par définition la masse qui résiste à l’accélération. Pendant des siècles, les physiciens se sont demandé pourquoi les deux semblaient identiques. Einstein a finalement prouvé qu’il s’agissait de la même situation, décrite différemment.


Mais qu’est-ce que la gravité, alors ? Imaginez que de la lumière entre dans la boîte par un trou creusé dans sa paroi et que celle-ci soit tirée vers le haut, à travers l’espace vide. Pendant que la lumière brille sur le mur d’en face, la boîte s’élève un peu. Le point lumineux, sur la paroi, apparaît un peu plus bas que le niveau du trou. L’homme, dans la boîte, voit la lumière inclinée légèrement vers le bas, mais il ne sait pas ce qui arrive à la boîte : peut-être est-il tiré vers le haut, de plus en plus vite ; peut-être est-il soumis à la gravité terrestre, immobile ? Une seule conclusion est possible : la gravité provoque également la courbure du faisceau de lumière ! Et, étant donné que la trajectoire de la lumière forme une sorte de papier quadrillé, sur lequel la réalité de l’univers serait projetée, la gravité déforme l’univers lui-même !


En 1915, après des années de calculs et d’essais interminables, Einstein a trouvé le moyen d’exprimer cette conclusion par une formule. C’était pendant la Grande Guerre, et personne, hors d’Allemagne, n’écoutait. Mais ce qu’il a traduit en mots est à la fois simple et inimaginable : « La masse exerce une pression sur son environnement, car elle déforme le continuum espace-temps autour d’elle. »

Prenons une boule de bowling posée sur un matelas : la balle pousse à travers le matelas en créant un creux. Si vous essayez de faire rouler une bille non loin de cette boule de bowling, vous verrez qu’en raison de la courbure du matelas la bille n’ira pas en ligne droite, mais déviera vers la boule de bowling… Elle sera arrachée de sa trajectoire rectiligne !

La gravité est une déformation de la matière même qui constitue l’ensemble de l’univers, mais cette déformation est trop subtile pour être perçue directement… 

Elle se manifeste par la tendance naturelle de tout, autour de nous, à chuter et à peser !


Martjn Van Calmhout, directeur de l’Institut des sciences de Volkskrant

Photos ARN

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